Face à l’urgence environnementale, il est temps que les entreprises prennent pleinement leur place aux côtés des citoyens et des pouvoirs publics pour devenir l’accélérateur de la transition écologique et sociale. Comment ? En intégrant l’impact au cœur de leur stratégie. 

entreprise à impact enjeux environnementaux et sociaux

 

 : 

6 limites planétaires franchies sur 9

Dans leur rapport publié le 18 janvier 2022, les scientifiques du Stockholm Resilience Center lancent l’alerte : l’homme a franchi la cinquième limite planétaire, celle de la pollution chimique. « La production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950. Elle devrait encore tripler d’ici 2050 », affirme une des co-autrices de l’étude, Patricia Villarubia-Gomez. Ce concept de limites planétaires a été proposé par une équipe internationale de 26 chercheurs en 2009, qui ont défini neuf seuils que l’humanité ne doit pas dépasser si elle veut conserver un écosystème sûr dans lequel il est possible de vivre durablement.

Sur ces neuf limites, six sont déjà dépassées (dont deux ces 6 derniers mois) : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore, les changements d’utilisation des sols, la pollution chimique, le cycle de l’eau douce. Deux limites ne sont pas encore franchies mais s’approchent des seuils critiques : l’acidification des océans et  la dégradation de la couche d’ozone. Concernant la dernière limite, celle de l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère, son seuil n’a pas encore été quantifié.

Les limites planétaires forment ainsi un plafond environnemental à ne pas dépasser, sous peine de perturber de manière durable et imprévisible notre environnement.

limites planétaires franchies

Source : Bon Pote

À ce plafond, l’économiste Kate Raworth propose de rajouter un plancher social, composé de onze limites, celle des besoins humains de base. Cette théorie du donut, qui dessine un espace juste et sûr pour l’humanité, invite à repenser urgemment nos modèles économiques.

L’entreprise du futur sera à impact ou ne sera pas

« Dans un monde effondré, il n’y a pas de parts de marché », affirmait Loïc Steffan, professeur en gestion et économie à l’Université Jean-François Champollion d’Albi, devant 150 dirigeants à l’occasion de la première session de la Convention des Entreprises Pour le Climat.  Pour éviter ce scénario du pire, les entreprises n’ont pas le choix : elles vont être obligées de se réinventer.

Finies la croissance sans limites, l’exploitation des ressources et la recherche à tout prix des performances financières à court terme. Le slogan « Plus vite, plus haut, plus fort » va devoir être remplacé par « Plus juste, plus vrai, plus beau ». L’évolution sociétale, la pression des citoyens et des donneurs d’ordre et le développement des normes extra financières poussent dans ce sens.

C’est dans ce nouvel équilibre à construire que les entreprises à impact trouvent toute leur légitimité . Dans le prolongement des sociétés à mission prévues dans la loi PACTE de 2019 et des entreprises de l’économie sociale et solidaire, les entreprises à impact cherchent à minimiser leurs impacts négatifs (émission de gaz à effet de serre, production de plastique…) et à maximiser leurs impacts positifs (création d’emploi, recyclage de matériaux…).

Pour Sylvain Prévot, expert Impact chez RIVE NEUVE, cela ne fait aucun doute : « La révolution de l’impact que nous allons vivre sur les dix prochaines années est plus profonde et plus rapide que la révolution digitale que nous connaissons depuis 20 ans. Et les entreprises qui ne prendront pas ce virage ne survivront pas, à l’image de Kodak qui n’a pas su négocier la transition numérique. » Pour lui, intégrer au plus tôt l’impact au cœur du projet de l’entreprise est un enjeu de pérennité, mais également un enjeu de développement et de croissance.

L’impact, une opportunité de business

Lorsqu’il relance la Camif en 2009, Emery Jacquillat place les objectifs RSE au cœur de son action : « Une entreprise qui s’engage est un des plus puissants leviers de transformation de la société. Et nous avons besoin de l’engagement de toutes les entreprises pour répondre aux grands défis sociaux et environnementaux du XXIe siècle », explique-t-il. Relocalisation de la production en France, travail avec les parties prenantes, mobilier éco-responsable… En 2020, l’ancienne coopérative des instituteurs est devenue officiellement une société à mission tout en voyant son chiffre d’affaires progresser de 44 % pour atteindre 50 millions d’euros.

Certifiés B Corp depuis 2018, les Laboratoires Expanscience (marques phares Mustela, Babo Botanicals et Piasclédine 300) sont eux aussi devenus « société à mission » en 2021. Leur chiffre d’affaires est estimé à 287 millions d’euros dont 74 % réalisés à l’international.

Phénomène récent, de nombreuses entreprises se créent en intégrant l’impact dans leur ADN : BackMarket, la première place de marché dédiée aux produits reconditionnés ; Phénix, qui lutte contre le gaspillage alimentaire en aidant les industriels à vendre leurs invendus, 1083 et ses vêtements fabriqués en France à partir de coton bio ou de fibres recyclées…  

Une prise de conscience nécessaire

« Quand on prend le temps d’expliquer les enjeux aux chefs d’entreprise, l’évidence leur saute aux yeux », précise Sylvain Prévot. Une prise de conscience salutaire qui fait parfois l’effet d’un électrochoc et qu’il est nécessaire d’accompagner.

Dans une tribune parue le 7 avril 2022, la Convention des Entreprises pour le Climat lançait un appel pour proposer à tous les décideurs (élus, responsables économiques, directeurs généraux…) une formation complète de 20 heures aux enjeux environnementaux autour de quatre piliers : le climat, la biodiversité, les ressources naturelles et les pollutions. Car pour relever les défis à venir, il faut d’abord en saisir toute la complexité afin de ne pas tomber dans le piège des fausses bonnes solutions.

« Pour atteindre la durabilité, la question n’est pas de savoir si nous aurons assez d’énergie, assez de nourriture ou assez d’autres ressources matérielles. La question est de savoir si nous aurons assez de leaders à temps », déclarait Karl-Henrik Robert, militant du développement durable et fondateur du FSSD / The Natural Step. Et du temps, il en reste peu. Dans son dernier rapport, le GIEC estime que si nous voulons respecter les accords de Paris, la date limite pour commencer à décroitre les émissions de Gaz à Effet de Serre est 2025.

Face à l’urgence, des initiatives ont vu le jour. C’est le cas du Grand Défi des entreprises pour la planète, qui a publié ses 100 propositions pour accélérer la transition, ainsi que de l’adaptation de la CEC en région Provence-Corse.

 

 

Boîte à définitions 📚

  • Entreprise à impact : 

Pour le Mouvement Impact France, l’entreprise à impact reposer sur 4 piliers :

  1. impact social (en interne vis-à-vis de ses salariés et en externe avec des services et produits inclusif)
  2. impact écologique (engager une véritable transition en matière d’éco-consommation et d’écoconduite)
  3. partage du pouvoir (transparence décisionnelle, gouvernance éthique, parité de genre et l’intégration de l’entreprise dans son écosystème territorial)
  4. partage de la valeur (stratégie financière éthique, modes de gestions équitables et transparents) 
  • Entreprise à mission : 

Créé par la loi PACTE du 22 mai 2019, ce n’est pas un statut juridique mais plutôt un « label » qui permet à une entreprise de déclarer sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.Cet acte, inscrit au Registre du commerce et des sociétés, engage formellement les dirigeants et les actionnaires à déployer les moyens nécessaires (financiers, humains, logistiques) pour poursuivre cette mission. La réalisation des objectifs fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant (OTI) tous les deux ans.